RD Congo – USA : Quand, pourquoi et avec qui négocier ?

RD Congo – USA : Quand, pourquoi et avec qui négocier ?

RD Congo – USA : Quand, pourquoi et avec qui négocier ? 2048 1360 Centre de recherche sur le Congo-Kinshasa

Par Esimba Ifonge

Acculé militairement, affaibli politiquement et limité stratégiquement, la République Démocratique du Congo semble résolue à solliciter les États Unis. Matières premières contre soutien militaire. C’est ce qu’indique le journal Le Monde dans un article du 10 mars 2025 titré « Les Etats-Unis prêts à discuter d’un partenariat sur les minerais avec la RDC ». Le quotidien souligne que « Le 21 février, un lobbyiste représentant le sénateur congolais Pierre Kanda Kalambayi a adressé des lettres au secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, et à d’autres responsables de l’administration de Donald Trump, invitant les Etats-Unis à investir dans les minerais en RDC en échange d’une aide à renforcer la « stabilité régionale » ». Du point de vue de la communication et de la stratégie, cette information soulève les questions suivantes : Quand, pourquoi et avec qui négocier ?

Avant de répondre à ces questions, posons le contexte :
La guerre qui sévit au Congo-Kinshasa depuis la fin des années 1990 est une guerre dite de basse intensité, qui connait des intensifications de façon épisodique. La crise avec les forces armées du M23 depuis 2023 est un de ces épisodes. Après des initiatives diplomatiques plutôt infructueuses auprès d’acteurs régionaux (SADC, EAC) et tandis que les forces armées M23 accumulent les conquêtes territoriales du Congo, la RDC n’est pas parvenue à apporter une réponse militaire à cette agression pour renverser les rapports de forces.

Quand négocier ?

Au vu de ce contexte, ce projet de négociation avec les américaines est-il opportun ou pertinent ? En diplomatie, comme dans d’autres domaines, négocier quand on est position de faiblesse n’est pas une démarche stratégiquement pertinente. Mais dans la situation d’urgence actuelle du Congo, le gouvernement avait-il le choix, pourrait-on rétorquer ? Dans la mesure où la guerre sévit depuis la fin des années 1990, l’urgence devrait justement être à la réflexion stratégique.

Pour savoir quand négocier, il faut être capable d’avoir une démarche prospective et proactive qui consiste à se doter d’une équipe et d’une expertise dans l’analyse non seulement de l’actualité, mais aussi des tendances et de l’histoire, pour esquisser des scénarios des possibles.

Vouloir négocier aujourd’hui avec les USA, c’est envoyer à la puissance américaine le signal que vous êtes dans une situation de vulnérabilité et de fragilité. Et par conséquent elle peut vous imposer toutes ces conditions, un peu comme de ce déséquilibre, peut imposer ses conditions et vous obliger à accepter l’inacceptable.

C’est dans cette situation de vulnérabilité que s’est retrouvé le président ukrainien dans le bureau oval de la maison Blanche. Et le président américain, Trump, le lui a bien fait savoir et comprendre. Quand négocier ? Il faudrait que le gouvernement ait accumulé des victoires militaires et diplomatiques avant de venir à la table des négociations. Quand négocier ? Quand on parvient à surmonter la tempête, quand on saisit une opportunité avant que la situation ne dégénère.

La question du « Quand » soulève la question de l’anticipation. Pour savoir quand négocier, il faut être capable d’avoir une démarche prospective et proactive qui consiste à se doter d’une équipe et d’une expertise dans l’analyse non seulement de l’actualité, mais aussi des tendances et de l’histoire, pour esquisser des scénarios des possibles.

Pourquoi négocier ?

La démarche prospective et l’anticipation parce qu’elles encouragent à étudier les contextes et les acteurs impliqués sont à même d’apporter des réponses à la question « pourquoi négocier ».

Pourquoi négocier ? Parce que dans tous les cas, nous avons identifié notre meilleure alternative à une entente négociée ou BATNA (Best Alternative To a Negotiated Agreement)

Dans le cas du Congo, la négociation est vue comme un outil préventif. Parce que le but de la négociation est d’aider « à la sécurité » et à « la stabilité régionale ». Du point de vue américain, La négociation est très pragmatique, il s’agit pour eux d’une opportunité de renforcer et de promouvoir les intérêts nationaux et sécuritaires. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que « Les Etats-Unis sont ouverts à la discussion sur des partenariats dans ce secteur qui soient alignés sur la politique “America First” de l’administration Trump ».

Pourquoi négocier ? Pour ses propres intérêts assurément. Mais il est essentiel de préciser ce qu’on entend par intérêt. Si bien préparée (la prospective et l’anticipation), la négociation permet d’exploiter les intérêts communs pour créer de la valeur pour toutes les parties impliquées. Si bien préparée, la négociation permet d’établir des partenariats durables, essentiels pour surmonter des défis futurs et assurer une coopération continue.

Pourquoi négocier ? Parce que dans tous les cas, nous avons identifié notre meilleure alternative à une entente négociée ou BATNA (Best Alternative To a Negotiated Agreement). Le BATNA, c’est la meilleure alternative dont on dispose en cas d’échec des négociations ou si aucun accord n’est trouvé. Dans le cas du Congo, du fait de sa situation de vulnérabilité, il semblerait qu’elle est à court d’alternative.

Avec qui négocier ?

La communication, tout comme la stratégie sont intrinsèquement culturelles. Voilà pourquoi la négociation est aussi un processus interculturel. Il est en effet crucial, dans une négociation, de connaitre, comprendre et maitriser les codes, les symboles et les contextes des différents intervenants (soi-même) parce qu’ils façonnent les choix, les positions et les décisions.

Pour qu’une négociation soit pertinente et efficiente, il est essentiel d’y inclure tous les acteurs clés et pertinents. Dans le cadre de la guerre au Congo et de la course aux matières premières stratégiques pour dominer le Monde et l’économie mondiale, une négociation sans y inclure la Chine, sur le temps long, ouvriraient les portes à des tensions certaines au Congo.

Dans le livre « Comment devenir un leader charismatique et efficace », les professeurs Fweley Diangitukwa et Djawed Sangdel mettent l’action sur la dimension culturelle du leadership notamment en attirant notre attention notamment sur les mentalités de pénurie et d’abondance.

« Les gens qui développent la mentalité de pénurie veulent tout avoir pour eux et peu pour [les autres]. On a tendance à tout voir sous l’angle ‘gagnant/perdant’. On a la conviction que les choses sont limitées, que si quelqu’un en possède une partie, il y en aura moins pour soi. C’est l’esprit des leaders de type ‘winner’. Le leader Winner a peur de partager équitablement son bénéfice avec les autres car il voudrait être le seul gagnant de la relation. Ce type de leader pense toujours que tout gain pour quelqu’un d’autre que lui implique une perte personnelle… En revanche, les personnes qui ont une mentalité d’abondance utilisent le principe de négociation ‘gagnant/gagnant’ et celui de la communication. » (« Comment devenir un leader charismatique et efficace », Fweley Diangitukwa et Djawed Sangde, Editions Monde Nouveau, pp 201-202)

Les Etats-Unis et le président Trump sont plutôt dans une mentalité de pénurie, là où la RD Congo se positionnerait davantage dans une mentalité d’abondance (« La RDC a des réserves disponibles et il serait bien que des capitaux américains investissent ici » dixit le porte-parole du gouvernement congolais »).

Avec qui négocier ? Analyser les acteurs de la négociation et leurs contextes permet de souligner ici l’éléphant blanc dans la pièce : La Chine. Pour qu’une négociation soit pertinente et efficiente, il est essentiel d’y inclure tous les acteurs clés et pertinents. Dans le cadre de la guerre au Congo et de la course aux matières premières stratégiques pour dominer le Monde et l’économie mondiale, une négociation sans y inclure la Chine, sur le temps long, ouvriraient les portes à des tensions certaines au Congo.

Conclusion : Sun Tzu et la connaissance

Dans l’art de la guerre, Sun Tzu dit ceci : « Qui connaît l’autre et se connaît, en cent combats ne sera point défait ; qui ne connaît l’autre mais se connaît, sera vainqueur une fois sur deux ; qui ne connaît pas plus l’autre qu’il ne se connaît sera toujours défait. »

Pour le philosophe théoricien de l’art de la guerre chinois, comprendre à la fois ses propres forces et faiblesses et celles de l’adversaire est essentiel pour élaborer une stratégie gagnante. Dans le cadre d’une négociation, cela signifie qu’une préparation rigoureuse – c’est-à-dire un travail d’ analyse approfondie des intérêts, des positions, des identités et contextes de chaque partie – est la clé pour sortir gagnant de la négociation tout du moins trouver un terrain d’entente convenable et profitable.

Centre de Recherche sur le Congo-Kinshasa

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